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Mélane en Inde, et ailleurs dans le monde...
20 juillet 2010

Une cité fantôme

14 heures de voiture en deux jours, il fallait vraiment qu'Alep en vaille la peine. Cette cité historique perdue au nord de la Syrie, à quelques kilomètres de la frontière turque, m'a littéralement séduite. Je n'irai pas la voir tous les week-ends, c'est certain, mais je ne regrette en rien la fatigue accumulée par ce long trajet.

C'est si dommage que le Liban ait perdu son authenticité. Je suis fascinée par l'ambiance des ruelles des souks, par l'accueil incroyable que nous réservent les commerçants syriens, un peu déroutée quand même par les regards perçants dont nous faisons l'objet. A plusieurs reprises, nous entrons dans des ateliers, ouvrons les portes à demi-fermées et nous retrouvons invités à boire des thés, tout au long de la journée. Pas toujours évident de se faire comprendre dans cette ville traditionnelle où l'arabe tente de garder son rang. Regards et sourires suffisent parfois. Mon petit Canon fait son effet, notamment devant les enfants qui en redemandent. Nous passons près d'une heure chez un barbier, Justin ne tardant pas à se laisser tenter. Pendant ce temps, thé, fake Marlboro, cours d'arabe et chansonnette locale. Malgré l'ambiance vivante des souks, les fantômes sombres qui hantent la ville lui donnent un air austère. Alep se radicalise. Le quartier arménien est comme une bouffée d'air frais, une vague de liberté, une palette colorée qui contraste avec les ombres noires que nous croisons ailleurs. Les regards sont plus inquisiteurs, peut-être dénonciateurs d'une société si différente qu'ils ne peuvent pas comprendre. A la vue de ces espèces de femmes couvertes de la tête au pied, j'ai l'impression que la température remonte de quelques degrés. Certaines sont intégralement voilées, les yeux plus que grillagés, complètement cachés. Impossible de distinguer ne serait-ce qu'une silhouette. Mes questions indiennes me reviennent. Jusqu'à quel point accepter ? La tolérance absolue ne mène-t-elle pas à l'oubli de soi ?

L'idée de me voiler à mon tour pour entrer dans la mosquée me met déjà hors de moi. Bien sûr, je le fais, par respect. J'ai l'impression de revivre ces moments désagréables de mon enfance où ma maman voulait que je mettre ces collants rouge en laine qui me grattaient si fort. Comme quand on met un jean mouillé qui se plaque à vos jambes sans vouloir jamais se décoller. On étouffe, on suffoque. Sous les 40 degrés d'Alep, difficile de supporter longtemps cette burka en synthétique. On m'a souvent dit qu'il fallait souffrir pour être belle. Ici, on souffre pour être transparente. Pour être comme un fantôme parmi ces hommes machistes qui ont au moins le mérite d'assumer leur faiblesse. Ce n'est pas la faiblesse de la femme mais bien celle de l'homme que l'on montre ici. Cette faiblesse qu'ils ont de nous déshabiller du regard à la seule vue de nos bras dénudés. Souvent, je me demande ce qu'ils se disent. L'Occidentale libérée est-elle un fantasme ou est-elle une espèce à exterminer ? Sont-ils intrigués ou passent-ils leur temps à nous juger ? La réponse m'importe peu finalement parce qu'au fond de moi, vraiment malgré moi, je crois que je ne peux m'empêcher de les juger aussi.

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Commentaires
Mélane en Inde, et ailleurs dans le monde...
  • Qu'est-ce qu'un voyage ? Ce n'est pas un départ, ce n'est pas une destination. C'est un parcours, une découverte. Voyage-t-on pour découvrir le monde ou pour se redécouvrir ? Est-ce les hommes qui font les voyages ou les voyages qui font les hommes ?
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