Fatalité, facilité

Parmi les nombreuses choses que nous avons du mal à comprendre ici, il y a la philosophie, la perception qu’ont les Indiens de leur propre vie. Cette dévotion permanente à Dieu qui nous est si difficile à saisir. Chez nous, la religion s’efface face à l’hyper rationalité. Chez nous, l’homme a une valeur en tant que tel, c’est un individu maître de son destin. Ici, l’homme n’est qu’un numéro soumis à la volonté de Dieu.

De la religion découle le fatalisme. Il n’y a rien de pire que la fatalité, quelle facilité. Aucune remise en question puisque de toute façon « c’est comme ça », Dieu l’a voulu ainsi. Je déteste la fatalité par-dessus tout. Elle empêche quiconque de réfléchir. Elle évite les interrogations, les questionnements. Elle n’explique rien. Elle accepte tout, la pauvreté, l’horreur du quotidien. Dieu aurait voulu que ça se passe comme ça. Dieu a créé les castes. Dieu est responsable de toute la misère du monde. Dieu a bon dos.

Difficile de croire que tant de gens viennent chercher en Inde la spiritualité. La religion, c’est croire. La religion, c’est le refus de voir. Croire, c’est ne pas être sûr, c’est supposer, c’est imaginer. Ce n’est qu’une vision simpliste, tellement rassurante. Je comprends qu’elle permette aux plus démunis de survivre, de se projeter, d’espérer. Elle permet également aux plus riches de se déculpabiliser. Je comprends que la fatalité permette d’avancer. Mais de cette religion, de ce regard permanent porté exclusivement vers le devant, vers l’avenir, découle l’indifférence, l’acceptation du pire. Chacun mérite son sort apparemment. Le sort ici peut être si fatal…